Numéro |
Cah. Myol.
Numéro 21, Juin 2020
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Page(s) | 21 - 22 | |
Section | Lu pour vous / Literature review | |
DOI | https://doi.org/10.1051/myolog/202021004 | |
Publié en ligne | 10 juillet 2020 |
Préclinique : Évidence préclinique de l’effet thérapeutique de l’efgartigimod dans un modèle de myasthénie anti-MuSK
Clinical research: Preclinical evidence of the therapeutic benefit of Efgartigimod in a model of myasthenia gravis mediated by anti- MuSK antibodies
Évidence préclinique de l’effet thérapeutique de l’efgartigimod dans un modèle de myasthénie anti-MuSK
Alexandra Clarissa Bayer Wildberger, Jean-Thomas Vilquin
SU - INSERM UMRS 974, Centre de Recherche en Myologie, AIM, Groupe Hospitalier Pitié-Sapêtrière, Paris Contact a.bayer@institut-myologie.org, jt.vilquin@institut-myologie.org
Résumé
L’injection d’efgartigimod dans un modèle murin expérimental de myasthénie (anti-MuSK) permet une réduction importante du taux d’autoanticorps circulants avec comme corollaire une amélioration des signes cliniques et une augmentation des per formances physiques chez les souris traitées par rap port aux souris non-traitées [1].
La Myasthenia Gravis (myasthénie, MG) est une maladie neuromusculaire auto-immune liée à une réaction immunitaire aberrante dirigée contre des constituants de la jonction neuromusculaire. Cette attaque est médiée par des auto-anticorps (Ac) ciblant des récepteurs post-synaptiques : le récepteur de l’acé- tylcholine (AchR) en premier lieu, le récepteur tyro- sine-kinase spécifique du muscle (MuSK), la lipopro tein-related protein 4 (LRP4), ou l’agrine. Ce processus diminue l’efficacité de la dépolarisation mus culaire, ce qui se traduit par une faiblesse musculaire fluctuante et une fatigabilité. Les patients atteints de MG avec Ac anti-MuSK (appelée aussi MuSK-MG, soit environ 5% des cas de MG) présentent souvent des signes respiratoires. La sévérité de la maladie est d’ail leurs liée au taux d’Ac circulants. Un modèle animal de MuSK-MG a pu être obtenu par transfert passif des Ac de patients à des souris immunodéficientes, une MG se développant chez elles en quelques jours.
La diminution du titre des Ac circulants pathogènes est l’une des stratégies thérapeutiques mises au point dans la MG. Les séances de plasmaphérèse lors d’une poussée de la maladie (crise myasthé- nique) permettent de l’obtenir. Une autre approche innovante, cette fois-ci sous la forme d’une immu nothérapie vise à augmenter le catabolisme naturel de ces Ac. Ainsi, le récepteur néonatal Fc (FcRn) régule le catabolisme des immunoglobulines de type G (IgG) en diminuant leur dégradation lysosomale. L’utilisation d’antagonistes de ce FcRn empêche le recyclage des IgGs et favorise leur dégradation. Dans le contexte de la MG, ceci favoriserait la clai rance des IgG pathogènes et réduirait leur effet délé tère au niveau clinique. L’efgartigimod (ou ARGX- 113) est le fragment Fc d’un anticorps monoclonal de type IgG1 humain amputé du domaine variable (Fab). Ce fragment Fc a été modifié pour assurer une liaison de forte affinité aux FcRn, en particulier dans un environnement lysosomal acide.
Dans cette étude, les souris ont reçu des Ac de patients Musk-MG d’abord quotidiennement, puis une combinaison d’Ac et d’efgartigimod versus pla cebo, pendant les onze jours suivants. Alors que les souris non traitées ou traitées par placebo ont vu leur état clinique se dégrader, les souris traitées par efgartigimod ont montré des signes d’amélioration. Sur le plan humoral, une réduction d’environ 80% du taux d’Ac humain anti-MuSK circulants a été observée. Sur le plan général, l’efgartigimod empêche la perte progressive de poids habituelle ment observée chez les souris malades. Au niveau fonctionnel, l’efgartigimod évite la perte de force détectée aux tests d’agrippement. Il réduit aussi la perte de force musculaire et la fatigabilité. En élec trophysiologie, on observe un décrément moindre lors de la stimulation nerveuse répétitive. En revanche, aucune différence n’a été notée entre les deux groupes concernant les aspects ultrastructu- raux de la jonction neuromusculaire. Ces résultats soulignent le potentiel thérapeutique intéressant de cette nouvelle molécule dans cette forme spécifique de MG.
Commentaire
Cette étude est extrêmement prometteuse, mais a des limites. Le nombre d’animaux (n=16) est réduit, le bénéfice et la toxicité nécessitent d’être étudiés à plus long terme, et les Ac anti-MuSK de plusieurs patients devraient pouvoir être comparés. L’utilisation de l’efgartigimod pourrait s’apparenter à une « plasmaphérèse pharmacologique », visant à réduire le taux d’Ac pathogènes, particulièrement en situation d’aggravation aiguë. Cette molécule a traversé avec succès les étapes de validation précli nique chez le singe. Une étude de phase 1 a montré sa tolérance, défini les doses et les protocoles d’administration optimaux. Un essai de phase 2 ran domisé contre placebo a été mené chez 24 patients atteints de la forme de MG associée aux Ac anti- AChR. Cet essai, bien qu’encore limité par le nombre de patients, a montré la bonne tolérance, et l’efficacité clinique de l’efgartigimod [2]. L’utilisa tion de l’efgartigimod dans les MG MuSK pourrait être encore plus intéressante puisque dans ce cas, la gravité de la maladie est liée à la quantité d’Ac, ce qui n’est pas vrai dans la forme avec Acanti-AChR. Cependant, l’approche n’est pas spéci fique des Ac pathogènes et entraîne la déplétion de l’ensemble des IgG, ce qui peut prédisposer certains patients aux infections. Le traitement ne cible pas les acteurs cellulaires de la réponse immunitaire (plasmocytes, cellules T et B auto-réactives) et sa durée d’action concerne le moyen terme (quelques semaines). Traitement d’attaque, traitement de fond, en relais ou substitution des immunoglobulines polyvalentes ou de la plasmaphérèse, la place de l’efgartigimod dans l’arsenal thérapeutique reste encore à définir. Dans tous les cas, cette molécule représente une nouvelle classe thérapeutique non seulement dans la MG mais aussi pour les maladies auto-immunes médiées par des IgGs en général.
Preclinical evidence of the therapeutic benefit of Efgartigimod in a model of myasthenia gravis mediated by anti- MuSK antibodies
Liens D’intérêt
Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.
Références
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Huijbers MG, Plomp JJ, van Es IE, et al. Efgartigimod improves muscle weakness in a mouse model for muscle-specific kinase myasthenia gravis. Exp Neurol 2019 ; 317 : 133-43.
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Howard JF Jr, Bril V, Burns TM, et al. ; Efgartigimod MG Study Group. Randomized phase 2 study of FcRn antagonist efgartigimod in generalized myasthenia gravis. Neurology 2019 ; 92 : e2661-73.
© A.C. Bayer Wildberger et J.T. Vilquin, publié par EDP Sciences, 2020
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