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Open Access
Numéro
Cah. Myol.
Numéro 23, juillet 2021
Page(s) 25 - 25
Section Lu pour vous / Literature review
DOI https://doi.org/10.1051/myolog/202123008
Publié en ligne 2 août 2021

Résumé

La maladie de Charcot-Marie-Tooth (CMT), neuropathie héréditaire sans traitement spécifique à ce jour, peut parfois mimer en tous points une polyradiculoneuropathie inflammatoire démyélinisante chronique (PIDC), cette dernière étant d’origine auto-immune et donc accessible à une thérapie. Dans l’étude rétrospective citée en référence [1], les auteurs ont analysé les caractéristiques de patients CMT avec un diagnostic initial de PIDC porté dans seize hôpitaux universitaires de trois pays (France, Suisse et Belgique). Ils ont comparé ces patients CMT à un groupe de référence de patients atteints de PIDC et ont estimé le coût de l’erreur diagnostique. Résultats : parmi 1 104 patients avec un diagnostic initial de PIDC, 35 patients (soit 3,2% de l’effectif total) se sont révélés atteints d’une CMT. Tous répondaient pourtant aux critères diagnostiques admis pour les PIDC, « certain » ou « probable », tels que définis par la fédération européenne des sociétés de neurologie (EFNS) et la société du nerf périphérique (PNS). Des mutations dans les gènes PMP22 (34%), MPZ (31%) et 10 autres gènes de CMT (35%) ont été mises en évidence. En comparaison avec le groupe de référence de 35 patients PIDC, les patients CMT étaient plus jeunes (âge au début de la maladie : 39 vs 56 ans), et avaient plus fréquemment un déficit moteur initial (80% vs 29%), une hypoacousie (14% vs 0%), une imagerie plexique normale en IRM (70% vs 40%), une protéinorachie peu élevée (0,5 vs 0,8 g/L), et une moins bonne réponse au traitement par immunoglobulines polyvalentes par voie intraveineuse (IgIV) (20% vs 69%). Le coût du traitement chez ces 35 patients avec un diagnostic erroné de PIDC a été estimé à 4,6 millions € (M€), tandis que le coût de l’analyse génétique CMT chez 1104 patients a été calculé à hauteur de 2,7 M€. Ces données suggèrent que les investigations génétiques CMT devraient être plus largement utilisées avant d’affirmer un diagnostic de PIDC et mettre en route un traitement.

Commentaire

L’étude présentée ici illustre parfaitement l’importance et l’impact des erreurs diagnostiques en pratique neuromusculaire courante et plus particulièrement dans le domaine du nerf périphérique. Le caractère rétrospectif de l’étude, et le probable biais de recrutement lié au fait que les patients CMT détectés étaient sans doute les plus caricaturaux, laissent penser que le chiffre de 3,2% de CMT parmi les patients ayant une PIDC tout-venants est probablement plus élevé dans la vraie vie. Il ne s’agirait donc ici que de la partie visible de l’iceberg. L’éventail des gènes CMT analysés en biologie moléculaire était relativement restreint (comparativement à la centaine de gènes CMT désormais répertoriés) mais contenait les quatre plus fréquents (PMP22, MPZ, MFN2, GDAP1). À cet égard, l’utilisation plus large de panels de gènes de neuropathies héréditaires (comprenant ceux responsables des CMT, bien sûr, mais aussi ceux des neuropathies héréditaires encore plus rares) se pose clairement, a fortiori si le tableau clinique et/ou électrophysiologique de la PIDC présente quelques atypies. Cette étude génétique large pourrait à terme devenir un préalable à la prescription d’un traitement immunosuppresseur ou immunomodulateur. Car, et comme l’illustre cet article de manière démonstrative, l’impact médico-économique de telles erreurs diagnostiques est plus que substantiel. Le coût des seules immunoglobulines polyvalentes (sans compter les frais de transports, d’hospitalisation ou d’examens complémentaires, et toutes les autres menues dépenses...) s’avère bien plus élevé que celui des études génétiques. Ce constat aura encore plus de sens à l’avenir. Le prix des tests génétiques est appelé à décroitre du fait du saut technologique et des économies d’échelle permis par le séquençage à haut débit (NGS), alors même que celui des traitements, et des immunoglobulines en particulier, ira vraisemblablement crescendo.

Liens d’intérêt

L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

Références

  1. Hauw F, Fargeot G, Adams D, et al. Charcot-Marie-Tooth disease misdiagnosed as chronic inflammatory demyelinating polyneuropathy: an international multicentric retrospective study. Eur J Neurol. 2021 June. doi: 10.1111/ene.14950. [Google Scholar]

© J.A. Urtizberea, publié par EDP Sciences, 2021

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