Numéro |
Cah. Myol.
Numéro 19, Juin 2019
|
|
---|---|---|
Page(s) | 33 - 34 | |
Section | JSFM 2018 Prix Communications / 2018 SFM Communications Awards | |
DOI | https://doi.org/10.1051/myolog/201919013 | |
Publié en ligne | 5 juillet 2019 |
16es Journées de la Société Française de Myologie - Prix communication orale 2018
La signalisation TGFβ contrôle la fusion cellulaire et la régénération musculaire
TGFβ signaling curbs cell fusion and muscle regeneration
Sorbonne Université, Inserm UMRS974, Centre for Research in Myology, 75013 Paris, France
* Contact: francesco.girardi1992@gmail.com
Introduction
La régénération musculaire repose sur une réserve de cellules souches musculaires appelées cellules satellites (MuSCs) [1]. Les MuSCs sont quiescentes et s’activent à la suite d’une blessure au muscle, donnant ainsi naissance à des progéniteurs s’amplifiant transitoirement (myoblastes), et fusionnant pour former de nouvelles fibres musculaires [2]. Ce processus est finement régulé par un réseau complexe de voies de signalisation, parmi lesquelles la cascade de signalisation « Transforming Growth Factor β » (TGFβ) joue un rôle fondamental. Des rapports antérieurs ont proposé de nombreux rôles pour les membres de la superfamille TFGβ, généralement considérés comme des régulateurs négatifs de la différenciation myogénique [3]. Toutefois, il a récemment été montré que l’activation de TGFβ2 est essentielle à la régénération musculaire [4]. En raison de ces différents résultats, nous avons décidé d’étudier le rôle de la cascade de signalisation TGFβ durant la différenciation des myoblastes et la régénération musculaire.
Résultats
Avant d’évaluer les rôles respectifs des trois isoformes de TGFβ, nous avons voulu estimer leur profil d’expression au cours de la différenciation in vitro des myoblastes et de la régénération musculaire in vivo. Les myoblastes primaires ont été différenciés durant trois jours, tandis que le muscle de souris était lésé par injection de cardiotoxine et analysées après différentes durées de régénération. Même s’ils se comportent différemment, les isoformes de TGFβ sont tous les trois exprimés dans chacun de ces processus (in vitro et in vivo). De plus, nous avons vérifié les profils d’expression de TGFβR1 (Alk5) et TGFβR2 in vitro, confirmant que ces récepteurs ainsi que leurs ligands étaient bien exprimés dans les myoblastes primaires. Ceci étant établi, nous avons commencé à étudier le rôle de ces isoformes de TGFβ sur des myoblastes en prolifération et leur taux de mortalité. Nous avons sélectionné le dosage par incorporation de BrdU pour quantifier la vitesse de prolifération, et le dosage TUNEL (Kit de détection in situ de la mortalité des cellules) pour identifier les cellules qui subissent une mort cellulaire programmée. Dans ces deux essais, les cellules ont été fixées et exploitées 24 heures après traitement avec les protéines recombinantes de TGFβ (TGFβ1, 2 et 3). Mises ensemble, ces expériences suggèrent que l’action de la voie de signalisation TGFβ n’altère ni la prolifération des myoblastes, ni leur taux de mortalité. En conséquence, nous nous sommes concentrés sur la différenciation des myoblastes. Nous avons différencié des myoblastes primaires durant trois jours, en administrant régulièrement des protéines TGFβ1, 2 et 3 ou ITD-1, un inhibiteur spécifique de TGFβR2. Nous avons analysé les effets de ces traitements par immunofluorescence (IF), et découvert que l’activation de la cascade TGFβ inhibe fortement la différenciation des myoblastes. En effet, l’administration de protéines TGFβ réduit le pourcentage de cellules engagées (myoblastes Myogenin+) et l’index de fusion (paramètre indiquant la quantité de cellules ayant fusionné ensemble). D’autre part, l’administration d’inhibiteur entraine la formation de grands myotubes (augmentation de l’index de fusion et de la taille des myotubes), présentant une forme ramifiée et aberrante, en comparaison aux formes linéaires caractérisant habituellement les myotubes.
L’effet sur la fusion étant très important, nous avons voulu comprendre si nos traitements avaient un effet direct sur la fusion des myoblastes, ou s’ils avaient un effet général sur la différenciation des myoblastes qui impacterait indirectement le processus de fusion. Pour répondre à cette question, nous avons mis en œuvre ce que nous avons appelé de la « Culture en forte densité »; un protocole dans lequel nous prédifférencions des myoblastes en basse densité pendant deux jours, puis les remettons en forte densité, et répétons la même expérience que précédemment (traitement avec TGFβs ou ITD-1). Avec ce protocole, nous travaillons sur des myocytes préalablement différenciés (confirmés par IF pour Myogenin après l’étape de prédifférenciation), et par conséquent, nous nous concentrons exclusivement sur le processus de fusion. Nous avons ainsi confirmé que l’activation de la voie TGFβ réduit la fusion des myoblastes, tandis que son inhibition entraîne la formation de très gros myotubes, présentant de nombreux noyaux et une forme aberrante.
Après avoir établi le rôle de la cascade de signalisation TGFβ in vitro, nous avons voulu évaluer son rôle dans la fusion des cellules musculaires in vivo. Pour cette raison, nous avons blessé des muscles TA (Tibialis Antérieur) de souris adultes, et injecté soit la protéine TGFβ1, soit ITD-1, à trois jours après blessure (3dpi), au moment où la fusion commence à se produire. L’évaluation de la régénération des tissus à 7dpi a révélé que ces deux traitements entrainaient des changements frappants au niveau de la taille et de la morphologie des myofibres. L’addition de TGFβ1 a provoqué à une diminution très importante du nombre de noyaux dans les fibres nouvellement formées, comparé aux contrôles, ce qui a également provoqué une diminution considérable de l’aire transversale des fibres (CSA). Au contraire, ITD-1 induit une large augmentation du nombre de noyaux de cellules musculaires, débouchant ainsi sur la formation de larges fibres, comparées aux contrôles. Pour déterminer si une modification de la signalisation TGFβ in vivo affecte les structures et fonctions du muscle régénéré, nous avons réalisé une blessure du TA, suivie par trois injections successives de TGFβ1 ou d’ITD-1, et avons évalué la régénération du tissu, ainsi que sa force musculaire deux semaines après blessure. Tandis que TGFβ1 entrainait une forte réduction de la CSA ainsi qu’une diminution significative de la force musculaire, les muscles traités avec ITD-1 ne montraient aucune amélioration en termes de génération de force, bien que la taille des fibres ait largement augmenté. Ces observations indiquent que la signalisation TGFβ détermine le nombre d’événements de fusion qui se produisent durant la régénération des tissus musculaires in vivo, et que l’augmentation de la taille des fibres résultant de l’excès de la fusion n’est pas bénéfique à la fonction musculaire.
Actuellement, notre but est de comprendre comment la cascade TGFβ régule le processus de fusion. Pour identifier le réseau génétique régulé par cette signalisation dans les cellules musculaires, nous avons réalisé une analyse du transcriptome des myocytes primaires différenciés, stimulés avec TGFβ1 ou ITD-1. Curieusement, nous avons trouvé que le cytosquelette d’actine faisait partie des signalisations les plus régulées. Nous avons alors décidé de visualiser le réseau filamenteux d’actine et de mesurer l’orientation de ces filaments dans les myoblastes traités avec TGFβ1 ou ITD-1. Nous avons observé que ces deux traitements entrainaient une dérégulation du cytosquelette d’actine, comparé aux formes linéaires standards des myoblastes en différenciation. Ces effets suggèrent que la cascade de signalisation TGFβ pourrait réguler la fusion à travers le remodelage de F-Actine.
Conclusion
Nos expériences ont confirmé le rôle négatif de l’activation de la signalisation TGFβ sur la différenciation myogénique, et montré un effet spécifique sur la fusion des myoblastes. Nous avons aussi testé les effets de l’inhibiteur de la cascade TGFβ,et trouvé que la déficience/faiblesse de la voie de signalisation TGFβ augmentait la fusion des myoblastes in vitro et in vivo. Nos études suggèrent donc que la cascade TGFβ joue un rôle critique dans la différenciation myogénique, dans la fusion des myocytes, ainsi que dans la régénération du muscle.
Liens d’intérêt
Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.
Références
- Mauro A, Satellite cell of skeletal muscle fibers. J Biophys Biochem Cytol. 1961 ; 9 : 493–495. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
- Yin H, Price F, Rudnicki MA, Satellite cells and the muscle stem cell niche. Physiol Rev. 2013 ; 93 : 23–67. [Google Scholar]
- Kollias HD, McDermott JC, Transforming growth factor-β and myostatin signaling in skeletal muscle. J Appl Physiol. 2008 ; 104 : 579–87. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
- Rudolf A, Schirwis E, Giordani L, et al., β-catenin activation in muscle progenitor cells regulates tissue repair. Cell Rep. 2016 ; 15 : 1277–90. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
© F. Girardi et al., publié par EDP Sciences, 2019
Cet article est distribué sous licence « Creative Commons » : https://creativecommons.org/licenses/by/4.0/deed.fr, permettant une ré-utilisation du contenu sans restriction à condition de mentionner clairement la source.
Les statistiques affichées correspondent au cumul d'une part des vues des résumés de l'article et d'autre part des vues et téléchargements de l'article plein-texte (PDF, Full-HTML, ePub... selon les formats disponibles) sur la platefome Vision4Press.
Les statistiques sont disponibles avec un délai de 48 à 96 heures et sont mises à jour quotidiennement en semaine.
Le chargement des statistiques peut être long.