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Open Access
Numéro
Cah. Myol.
Numéro 15, Juin 2017
Page(s) 30 - 33
Section Prise en charge / Management
DOI https://doi.org/10.1051/myolog/201715007
Publié en ligne 23 juin 2017

© J.M. Cuisset et al., publié par EDP Sciences, 2017

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La prise en charge thérapeutique des maladies neuromusculaires (MNM) de l’enfant est essentiellement symptomatique et multidisciplinaire, associant les aspects orthopédique, respiratoire, nutritionnel, digestif, cardiaque et la gestion de la douleur. Dans l’attente de la pleine efficience des thérapies curatives innovantes, susceptibles d’aboutir à une médecine moléculaire ciblée sur le gène, voire une médecine personnalisée spécifique de la mutation génique ou d’autres caractéristiques liées au patient (terrain génétique, pharmacocinétique, physiopathologie…), il paraît donc bénéfique de prescrire, de façon optimisée, pour une maladie neuromusculaire donnée, tous les traitements pharmacologiques symptomatiques possibles. Une telle démarche appliquée dès la fin des années 1980 aux patients atteints de dystrophie musculaire de Duchenne (DMD), a permis de doubler leur espérance de vie en 20 ans. Les suppléments vitaminiques ou nutritionnels, les traitements symptomatiques concernant une complication ciblée sur un seul appareil (par exemple les troubles du transit intestinal) ne seront pas traités ici.

Traitements symptomatiques ciblant le processus dystrophique

1. Fibrose musculaire

Les corticoïdes représentent le premier traitement prouvé efficace dans la DMD, en retardant l’âge de perte de la marche [1]. Les mécanismes évoqués sont la stimulation de la prolifération des myoblastes, une stabilisation des protéases liées aux lysosomes et au sarcolemme, et surtout une diminution de la fibrose par effet immunosuppresseur et anti-inflammatoire [2]. Il existe deux protocoles principaux : l’un utilisant le deflazacort (Calcort®) à une posologie de 0, 9 mg/kg/jour (0, 8 mg/kg à partir de 10 ans, 0, 55 mg/kg à partir de 15 ans et 0,5 mg/kg au-delà de 18 ans) [3]; l’autre utilisant la prednisone (Cortancyl®) : 0, 75 mg/kg/jour pendant 5 mois à 1 an, puis 0, 75 mg/kg un jour sur 2 pendant 1 à 2 ans [4]. Les effets primaires de la corticothérapie sont multiples : recul de l’âge de perte de la marche de 12 à 14, 5 ans [5]; amélioration de la fonction ventilatoire [6]; âge d’apparition de la cardiomyopathie différé (15, 2 ans versus 13, 1 ans) [7]; diminution du risque de scoliose (20% vs 92%) [8]; réduction du taux de mortalité [9]. Les effets secondaires observés sont ceux d’une corticothérapie classique : fractures osseuses et tassements vertébraux, surpoids, retard statural, cataracte (infraclinique), troubles du comportement, hyperphagie, syndrome cushingoïde, hirsutisme, troubles gastriques [3]. Néanmoins, la variabilité de réponse des patients DMD à la corticothérapie, et le fait que 42% d’entre eux âgés de plus de 10 ans doivent interrompre les corticoïdes en raison d’effets secondaires a incité à rechercher d’autres traitements pharmacologiques symptomatiques.

2. Oxydation

L’idébénone, analogue synthétique du coenzyme Q10, puissant anti-oxydant et inhibiteur de la peroxydation lipidique susceptible de stimuler le flux d’électron mitochondrial et la production d’énergie a démontré une efficacité symptomatique sur des paramètres ventilatoires dans un essai de phase III chez des patients DMD d’un âge compris entre 10 et 18 ans et ne recevant pas de corticoïdes : stabilisation du débit expiratoire de pointe, diminution de l’altération de la capacité vitale forcée et du volume expiratoire forcé [10]. Une analyse a posteriori récente de cet essai a démontré une fréquence moindre d’infections bronchopulmonaires chez les patients traités par idébénone en comparaison du groupe placebo [11].

Traitements ciblés sur un symptôme physique

1. Myotonie

Qu’il s’agisse d’une dystrophie myotonique de Steinert ou d’une myotonie non dystrophique (paramyotonie congénitale et myotonie aggravée par le potassium liées au gène SCN4A; myotonies congénitales de Thomsen et de Becker liées au gène CLCN1), la myotonie est une cible thérapeutique d’intérêt (Figure 1). La myotonie, quelle qu’en soit l’étiologie, résulte in fine d’une activation phasique des canaux Na+ qui induit des trains de potentiel d’action haute fréquence au niveau de la fibre musculaire, corollaire électrophysiologique de la myotonie. La mexilétine, anti-arythmique Ib de la classification de Vaughan-Williams, en bloquant les canaux Na+, diminue la durée du potentiel d’action et n’a pas (ou peu) d’action sur l’intervalle QT, et constitue donc un anti-myotonique majeur. Il se prescrit à une posologie de 15mg/kg/jour chez le nourrisson, 8mg/ kg/jour chez le grand enfant, en trois prises (200 mg, trois fois par jour chez l’adulte) [19]. Sa prescription impose un ECG à H0, H24, et H48 pour évaluation de l’espace PR et du segment QT corrigé.

thumbnail Figure 1

Anneau de constriction myotonique au niveau lingual (flèches) chez un patient Steinert. Les accès myotoniques de la langue chez ce patient étaient à l’origine de troubles de la déglutition, qui ont totalement régressé après l’introduction de la mexilétine.

Ses principaux effets secondaires sont : vertiges, dysgueusie, vomissements, somnolence et ataxie. La mexilétine a été prouvée efficace dans la myotonie congénitale [12], et dans la myotonie des patients adultes atteints de dystrophie myotonique de Steinert [13].

2. Ostéoporose

Les biphosphonates intraveineux peuvent être bénéfiques dans les maladies neuromusculaires prédisposant à l’ostéoporose d’immobilisation, en particulier chez les patients DMD ou ceux présentant une amyotrophie spinale de type 2. Les deux indications principales sont les fractures pathologiques et le syndrome algique chronique (d’expression essentiellement nocturne). Il convient, 10 à 15 jours avant la cure, d’éliminer une hypocalcémie latente en prescrivant calcémie, protidémie et étude du rapport calciurie/créatininurie (normale >0, 2). Il est possible d’utiliser soit le pamidronate (Arédia®) : 0, 5 mg/kg deux fois (en deux jours consécutifs), à perfuser dans 500 ml de glucosé à 5% sur quatre heures; soit le zonidronate (Zométa®) : 0, 5 mg/10 kg (maximum : 3 mg) en injection IV unique en 15 minutes dans 100 ml de glucosé à 5%. Les cures d’Arédia se renouvèlent tous les quatre mois, celles de Zométa tous les six mois. Les principaux effets secondaires sont : syndrome grippal, nausées, fatigue, hypocalcémie, hypozincémie (calcémie et zincémie sont à contrôler systématiquement 48-72 heures après la cure). Gordon et al. ont établi sur une série de 44 patients DMD bénéficiant d’une corticothérapie, que ceux qui recevaient des cures de biphosphonates IV avaient une durée de vie augmentée. Ils suggèrent que les biphosphonates ralentiraient le processus dystrophique [14].

3. Douleur

En ce qui concerne le syndrome algique, Wagner et al. ont objectivé pour les biphosphonates un taux d’efficacité de 98% (dans 80% des cas disparition de la douleur, durable dans 20% des cas, transitoire (pendant 1 à 3 mois) dans 60% des cas) [15].

4. Rétablissement d’une transmission neuromusculaire efficiente

Les syndromes myasthéniques congénitaux (SMC) [16] regroupent un ensemble hétérogène d’affections génétiquement déterminées responsables d’un dysfonctionnement de la transmission neuromusculaire à l’origine d’une faiblesse musculaire accentuée par l’effort. Un début précoce (presque toujours avant deux ans) et une atteinte oculo-bulbaire (ptosis et/ou ophtalmoplégie; dysphonie, troubles de la déglutition, parésie faciale) sont des éléments sémiologiques très évocateurs. Plus de 20 gènes à l’origine des SMC ont été identifiés. Leurs mutations peuvent être à l’origine d’une anomalie du récepteur musculaire nicotinique à l’acétylcholine (RAch), d’un défaut de protéines présynaptiques, d’anomalies de protéines associées à la lame basale présynaptique, de troubles du développement ou de la stabilité de la plaque motrice, ou d’anomalies de protéines intervenant dans la glycosylation. Différents traitements symptomatiques visant au rétablissement d’une transmission neuromusculaire efficiente sont disponibles : anticholinestérasiques, 3-4 diaminopyridine (DAP) de mode d’action présynaptique (inhibition des canaux potassiques de la terminaison nerveuse, libération accrue de vésicules d’acétylcholine), molécules réduisant le temps d’ouverture du RAch (quinidine, fluoxétine), β2 mimétiques (éphédrine, salbutamol). Leur choix dépend du gène en cause. Les anticholinestérasiques sont efficaces dans les SMC liés aux gènes codant pour une sous-unité du RAch, aux gènes RAPSN (rapsyne), GFPT1 et CHAT. Ils sont contre-indiqués dans les déficits en acétylcholine estérase (AChE; liés au gène COLQ) et les syndromes du canal lent souvent décelés par une réponse répétitive après stimulation unique à l’électroneuromyogramme, et le déficit en DOK7. La 3-4 DAP est efficace dans les SMC postsynaptiques : déficit en RAch à cinétique normale, déficit en rapsyne, déficit en MuSK. Elle est un complément utile des anticholinestérasiques. Les β2 mimétiques sont utiles dans les déficits en DOK7 et en COLQ. La quinidine et la fluoxétine sont efficaces dans les syndromes du canal lent (liés à et CHRNE).

Atteinte cognitive

L’atteinte cognitive de certaines maladies neuromusculaires peut être une cible thérapeutique bénéfique. Dans les dystrophinopathies, les troubles cognitifs constants et précoces sont dominés par les difficultés attentionnelles. Le trouble hyperactif avec déficit attentionnel (THADA) existerait chez un tiers des patients DMD, le déficit attentionnel isolé chez 15% d’entre eux [17], pouvant justifier la prescription du méthylphénidate (Ritaline® ou équivalents). Dans la dystrophie myotonique de Steinert, les troubles comportementaux et cognitifs sont également fréquents : phobies, troubles de l’humeur, troubles anxieux et THADA dans près d’un tiers des cas. L’intérêt du méthylphénidate chez ces patients Steinert avec THADA a également été rapporté [18, 19].

Conclusion

L’espoir majeur suscité par la perspective des thérapies à visée curative depuis la fin des années 1980, demeure à ce jour contrarié, par des problèmes pratiques ou méthodologiques. Ainsi, dans la dystrophie musculaire de Duchenne (DMD), les essais thérapeutiques relevant du saut d’exons ou de la translecture d’un codon stop se heurtent à des âges d’inclusion hétérogènes, à des co-médications imposées (corticoïdes), et à des critères d’efficacité insuffisamment pertinents (performances motrices plutôt que quantité de dystrophine produite de novo) [20]. De même dans l’amyotrophie spinale typique (SMA), les essais procédant d’une correction d’épissage du gène SMN2 par oligonucléotides anti-sens sont confrontés à une fenêtre temporelle d’efficacité thérapeutique étroite et à la nécessité d’une diffusion systémique en raison d’une atteinte multiorgane [21]. Ces restrictions justifient, en attendant une pleine efficacité des traitements curatifs, le recours à des traitements symptomatiques optimisés.

Liens d’intérêt

L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

Références

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Liste des figures

thumbnail Figure 1

Anneau de constriction myotonique au niveau lingual (flèches) chez un patient Steinert. Les accès myotoniques de la langue chez ce patient étaient à l’origine de troubles de la déglutition, qui ont totalement régressé après l’introduction de la mexilétine.

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