Numéro |
Cah. Myol.
Numéro 13, Juin 2016
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Page(s) | 68 - 69 | |
Section | Lu pour vous / Literature review | |
DOI | https://doi.org/10.1051/myolog/201613010 | |
Publié en ligne | 11 juillet 2016 |
Génétique
Genetics
Des mutations perte de fonction de SCN4A causent une hypokinésie foetale sévère ou une myopathie congénitale « classique »
Valérie Allamand
Centre de Recherche en Myologie, Sorbonne Universités, UPMC - Inserm UMRS 974, CNRS FRE 3617, Institut de Myologie, Groupe Hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris, France. Contact v.allamand@institutmyologie.org
Résumé
Les myopathies congénitales (MC) sont un groupe de maladies du muscle, hétérogènes cliniquement et génétiquement, caractérisées par une hypotonie et une faiblesse musculaire congénitale ou de début précoce, associées à des anomalies spécifiques sur la biopsie musculaire. Les présentations cliniques vont de l’akinésie foetale, entraînant une mortalité in utero ou néonatale, à des formes moins sévères. Dans la dernière décennie, plus de 20 nouveaux gènes de MC ont été identifiés, codant majoritairement des protéines impliquées dans la contraction musculaire ; cependant, des mutations de gènes codant des canaux ioniques sont maintenant reconnues comme cause de MC. Le gène SCN4A code la sous-unité α du canal sodium voltage-dépendant (Nav1.4) exprimé dans le muscle squelettique. Ce canal est essentiel pour la génération et la propagation du potentiel d’action dont dépend la contraction musculaire. Des mutations gain de fonction du gène SCN4A sont responsables de myotonie et de paralysie périodique. Par séquençage d’exome entier, les auteurs ont identifié des mutations homozygotes et hétérozygotes composites dans le gène SCN4A chez une cohorte de 11 individus atteints de MC, issus de 6 familles non apparentées. Les patients développent une faiblesse musculaire in utero ou néonatale de sévérité variable. Dans 7 cas, la faiblesse musculaire sévère a entraîné la mort dans le 3e trimestre de vie ou peu après la naissance. Les 4 cas restant présentaient une hypotonie congénitale ou néonatale et une faiblesse touchant aussi le visage et le cou, des difficultés de déglutition et de respiration néonatales importantes, ainsi que des déformations du rachis dans l’enfance. Les 4 membres survivants s’étaient améliorés cliniquement dans la première décade de vie. Les biopsies musculaires ont montré des caractéristiques de myopathie dont une variabilité de la taille des fibres, une présence de tissu fibrotique et graisseux de sévérité variable, sans anomalies structurales spécifiques. L’analyse électrophysiologique a suggéré un processus myopathique, sans myotonie. L’étude fonctionnelle in vitro de l’impact des mutations SCN4A sur des cellules HEK293 a démontré la perte de fonction des canaux mutants Nav1.4. Toutes les mutations, sauf une, abolissent totalement la fonction des canaux, ou réduisent leur activité. Chaque patient porte au moins une mutation perte de fonction. Dans 5 des 6 familles, une seconde mutation perte de fonction était présente sur l’autre allèle. Ces résultats fonctionnels contribuent à établir la pathogénicité des mutations identifiées et suggèrent que des degrés différents de perte de fonction des canaux mutants Nav1.4 sont associés à une atténuation de l’amplitude du potentiel d’action musculaire ne permettant plus la fonction musculaire normale. L’ensemble des données présentées ici démontrent que des mutations récessives perte de fonction du gène SCN4A doivent être prises en considération chez des patients atteints de myopathie congénitale.
Commentaire
Chez les mammifères, la famille des canaux sodiques dépendant du voltage (Nav) comprend 10 membres. Nav1.4, codé par le gène SCN4A, est la sous-unité formant le pore du canal, exprimé de façon prépondérante dans le muscle squelettique ; à ce titre, elle joue donc un rôle majeur dans le déclenchement de la contraction musculaire. Ce canal est d’ailleurs très fortement enrichi à la jonction neuromusculaire.
Depuis le début des années 2000, de nombreuses mutations du gène SCN4A ont été impliquées dans différentes atteintes musculaires : myotonie (défaut de relaxation après contraction volontaire) de sévérité variable, paralysie périodique. Les mutations rapportées sont héritées de façon autosomique dominante, changent des acides aminés ponctuels (mutations faux-sens). Leur pathogénicité résulte d’un gain de fonction.
L’étude présentée ici [1] identifie donc SCN4A comme le 26e gène impliqué dans de nouvelles formes de myopathies congénitales, et le second codant un canal ionique (le premier étant un canal calcique). Un séquençage d’exome (séquences codantes) a conduit à l’identification des 2 premières mutations dans une famille, et une collaboration internationale a permis la détection de nouvelles mutations chez 10 patients additionnels issus de 5 familles. Les mutations du gène SCN4A identifiées sont récessives, affectent différentes régions de la protéine et conduisent à une perte de fonction du canal, totale ou partielle. Cette non-fonctionnalité du canal a été démontrée in vitro, par des études d’électrophysiologie des courants sodiques en présence du canal muté. Il est à noter que les 3 patients portant une mutation homozygote entraînant une perte de fonction totale de Nav1.4 présentent un phénotype particulièrement sévère et létal.
Cette étude apporte donc de nouvelles données intéressantes sur les conséquences des mutations du gène SCN4A et élargit à la fois le spectre des phénotypes associés, et des causes de myopathies congénitales. En complément de lecture, je recommande la très bonne revue de Cannon [2] présentant les différents défauts d’excitabilité musculaire dus à des « canalopathies ».
Liens d’intérêt
L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.
Références
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Zaharieva IT, Thor MG, Oates EC, et al. Loss-of-function mutations in SCN4A cause severe foetal hypokinesia or classical congenital myopathy. Brain 2016 : 139 ; 674-91.
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Cannon SC. Channelopathies of skeletal muscle excitability. Compr Physiol 2015 ; 5 : 761-90.
© V. Allamand, publié par EDP Sciences, 2016
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