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Open Access
Numéro
Cah. Myol.
Numéro 13, Juin 2016
Page(s) 70 - 73
Section Lu pour vous / Literature review
DOI https://doi.org/10.1051/myolog/201613011
Publié en ligne 11 juillet 2016

L’importance du diagnostic génétique pour la dystrophie musculaire de Duchenne

Dominique Mornet

Ancien DR2CNRS, Webmaster de l’Unité : PhyMedExp, Université de Montpellier, Inserm U1046, CNRS UMR 9214, 34295 Montpellier Cedex 5, France. Contact domimornet@gmail.com

Résumé

La dystrophie musculaire de Duchenne (DMD) et la dystrophie musculaire de Becker sont causées par des mutations du gène DMD codant la dystrophine. Les grands réarrangements du gène de type délétions et/ou duplications sont les mutations les plus communes, même si des mutations ponctuelles existent également. Selon les recommandations publiées, il est important d’avoir un diagnostic exact pour l’accès à une prise en charge adaptée des patients et pour le planning familial. Avec l’émergence des thérapies mutation-spécifiques, un diagnostic moléculaire précis est maintenant également important pour évaluer si les patients sont éligibles pour ces traitements. Cette revue discute des différentes mutations DMD, des techniques diagnostiques disponibles pour faire un diagnostic génétique à des enfants suspectés d’être atteints de DMD et l’importance d’avoir un diagnostic génétique spécifique dans le contexte des thérapies génétiques émergentes pour la dystrophie musculaire de Duchenne [1].

Commentaire

Il est maintenant bien connu que le maintien de l’intégrité de la fibre musculaire nécessite des protéines situées au niveau du sarcolemme. Ces protéines permettent un ancrage et une adhésion structurellement fonctionnels avec les fibres voisines conduisant à une cohésion au sein d’un muscle pour la rendre capable de subir sans rupture les cycles de contraction-relaxation. Mais du côté interne cytoplasmique de la fibre musculaire, où se situent les filaments épais qui glissent sur les filaments fins à l’origine des changements de volume de la fibre, des connexions se produisent avec un ensemble de protéines qui transmettent à la membrane de la fibre les contractions. Au centre d’un tel ensemble, on trouve une molécule essentielle, la dystrophine, qui va agir comme un amortisseur lors de la contraction des fibres musculaires.

La séquence primaire de la dystrophine constitua ainsi le premier succès de la génétique inverse à partir de son gène (DMD) localisé sur le chromosome sexuel X et qui occupe le locus p21. C’est une séquence génomique qui couvre plus de 2,5 millions de paires de bases (Mb), et la séquence codante qui résulte seulement de 79 exons se traduit par un ARN-messager de 14 kilobases (kb) [2]. Il va alors être possible, résultant directement d’une altération (mutation) de ce gène DMD, de diagnostiquer une dystrophie musculaire héréditaire grave, avec une atrophie musculaire progressive (dystrophie musculaire de Duchenne, DMD). Une pathologie moins sévère qui apparaît souvent plus tardivement et connaît une progression plus lente (dystrophie musculaire de Becker, BMD) peut également être diagnostiquée.

C’est pourquoi, comme cela est présenté en détail dans l’article en référence [1], même si parfois dans la littérature on trouve de nouvelles études qui proposent un diagnostic prénatal non invasif des dystrophies musculaires de Duchenne et Becker en développant par exemple un dosage haplotype [3], il est important de suivre à la lumière des récentes connaissances un type de protocole bien standardisé en vue d’un diagnostic precis. Un rapide aperçu de ce protocole qui consiste en trois différentes étapes à suivre est ainsi établi pour réaliser une recherche standard d’une mutation suspectée sur le gène DMD.

Comme la majorité des mutations détectables est en général obtenue avec la procédure dite par ligatures multiplex dépendantes de diverses sondes d’amplification (MLPA, multiplex ligation-dependent probe amplification) au niveau de l’ADN, cela sera toujours la première étape à effectuer. Toutefois une technique plus performante est également disponible [4] et conduit à une identification précise d’une altération du gène DMD dans 92 % des cas).

Puis en seconde étape au vu du profil clinique un séquençage ciblé d’exon(s) sera parfois directement envisagé. Une mutation est détectée, la dystrophinopathie est confirmée. Il faut alors suivre et utiliser la nomenclature standard décrite sur le site du génome humain Variation Society (http://www.hgvs.org/mutnomen/), pour d’une part notifier le profil porteur de la mère, et d’autre part inscrire le site de mutation trouvé chez ce patient dans un registre dédié.

Si ces procédures ne donnent pas de résultat pour identifier une mutation, une troisième étape pourra être programmée avec une biopsie musculaire pour évaluer si la dystrophine est bien localisée dans les fibres musculaires (étude en Immunofluorescence sur coupe musculaire et analyse de la distribution totalement et/ou partiellement membranaire) et en estimer la quantité dans le tissu musculaire ainsi prélevé (étude selon la technique de l’immunoempreinte sur extraits des protéines du muscle permettant d’évaluer si la quantité de dystrophine détectée est normale, anormale et/ou nulle). Selon le résultat, la détection de dystrophine est totalement normale et le diagnostic n’est pas une dystrophinopathie, la présence de dystrophine est altérée (localisation et/ou quantité) et des études complémentaires sont nécessaires. Il faut alors engager une analyse de l’ARN pour tenter d’identifier la présence éventuelle d’un exon cryptique en raison d’une mutation intronique.

Cependant, même si cette option n’est présentée qu’en 3e choix par Aartsma-Rus et al. [5], la biopsie est toujours informative. Elle a l’avantage de proposer un matériel susceptible de fournir une réponse rapide sur la présence et/ou l’absence de dystrophine dans le muscle. De plus, la large panoplie d’anticorps spécifiques actuellement disponible va permettre un dépistage précis de la dystrophine (localisation et/ou quantité) et donc fournir une aide précieuse pour orienter une observation clinique vers un ciblage préférentiel sur un ou plusieurs exons à séquencer. En bilan de cette analyse, il s’avère important que les patients soient identifiés le plus tôt possible pour examiner tous les traitements potentiellement efficaces au début de l’évolution de la maladie pour un meilleur bénéfice. En moyenne, actuellement, les patients sont en général diagnostiqués à l’âge de 4,1 ans.

Pour conclure, ce travail indique qu’avec les nouvelles thérapies génétiques qui font leur apparition, on pourrait bientôt envisager d’offrir le dépistage néonatal pour la DMD.

Liens d’intérêt

L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

Références

  1. Aartsma-Rus A, Ginjaar IB, Bushby K. The importance of genetic diagnosis for Duchenne muscular dystrophy. J Med Genet 2016 ; 53 : 145-51.

  2. Koenig M, Monaco AP, Kunkel LM. The complete sequence of dystrophin predicts a rod-shaped cytoskeletal protein. Cell 1988 ; 53 : 219-28.

  3. Parks M, Court S, Cleary S, et al. Non-invasive prenatal diagnosis of Duchenne and Becker muscular dystrophies by relative haplotype dosage. Prenat Diagn 2016 Jan 29. doi : 10.1002/pd.4781.

  4. Okubo M, Minami N, Goto K, et al. Genetic diagnosis of Duchenne/Becker muscular dystrophy using next-generation sequencing : validation analysis of DMD mutations. J Hum Genet 2016 Feb 25. doi : 10.1038/jhg.2016.7.

  5. Aartsma-Rus A, Ginjaar IB, Bushby K. The importance of genetic diagnosis for Duchenne muscular dystrophy. J Med Genet 2016 ; 53 : 145-51.

Une stratégie de délétion CRISPR-Cas9 unique ciblant la majorité des patients DMD rétablit la fonction de la dystrophine dans les cellules musculaires dérivées de cellules hiPS

Dominique Mornet

Résumé

Les mutations du gène DMD perturbent le cadre de lecture, empêchent la traduction de la dystrophine, et conduisent à la dystrophie musculaire de Duchenne (DMD). Les auteurs décrivent ici une stratégie CRISPR/Cas9 applicable à 60 % des patients porteurs de mutations DMD. Ils ont appliqué cette stratégie à des cellules dérivées de cellules hiPS de patients DMD où la délétion jusqu’à 725 kb du gène et la jonction des extrémités non-homologues ont réussi à remettre en phase le cadre de lecture du gène DMD. À ce jour, ceci est la plus grande délétion obtenue par la technique CRISPR/Cas9 pour le gène DMD. L’utilisation de cellules hiPS a permis l’évaluation de la dystrophine dans des types cellulaires appropriés de la maladie. Les cardiomyocytes et les myotubes dérivés de lignes clonales hiPS expriment une dystrophine corrigée. La dystrophine portant cette délétion en phase est fonctionnelle comme démontré in vitro et in vivo par l’amélioration de l’intégrité membranaire et la restauration du complexe des glycoprotéines lié à la dystrophine. En outre, l’expression du micro ARN miR31 est réduite après « rephasage » du cadre de lecture, comme cela est observé dans les dystrophies musculaires de Becker. Ce travail démontre la faisabilité de l’utilisation d’une seule paire CRISPR pour corriger la phase de lecture pour une majorité de patients DMD [1].

Commentaire

Dès 2002 [2], on trouve dans la littérature la description d’une nouvelle méthode simple pour dépister les mutations, délétions, duplications sous le terme de MLPA (multiplex ligation probe amplification) au niveau d’un gène. Rapidement la méthode est exploitée et parmi les gènes cibles sera abordée dix ans plus tard l’étude du gène DMD dont le détail est donné dans le travail en référence [3] C’est cette première étape qui va permettre, selon le type d’altérations détectées au sein de la dystrophine, d’envisager une éventuelle thérapie génique chez le patient atteint de dystrophinopathie. Mais comme cette technique ne permet en fait de détecter qu’environ 70 % des altérations sur le gène DMD, il est récemment proposé d’utiliser une technique plus performante [4], qui conduit à une identification dans 92 % des cas).

Par ailleurs, dans le domaine de la régénération/ réparation d’un tissu comme le tissu musculaire on avait conscience de la présence des cellules satellites que l’on considère comme les cellules souches du muscle. Cependant, l’existence d’un nouveau type de cellules souches est par la suite révélée : les souches pluripotentes induites (iPS). Ces cellules se distinguent des cellules souches standards (ES) car elles peuvent être directement obtenues par transduction transitoire avec un cocktail de facteurs de transcription à partir des fibroblastes d’un donneur [5].

Cette étape va en effet permettre l’isolement de cellules iPS provenant d’un patient, pour servir de source précieuse dans l’étude de la maladie dont il est affecté et/ou évaluer l’efficacité de divers médicaments. Néanmoins, de telles cellules peuvent également être utilisées pour une médecine régénérative. Cependant, l’absence d’une méthode de modification génomique efficace à l’exception des insertions de gènes par des vecteurs viraux limita dans un premier temps leur utilisation.

L’émergence de nouvelles technologies d’édition du génome va alors grandement faciliter la possibilité de corriger des altérations génomiques au niveau des cellules iPS humaines comme l’indique avec une nouvelle technique prometteuse récemment proposée par Li et al. [6] Cette technique permet une orrection précise d’une altération génétique en utilisant le système CRISPR-Cas9, et peut s’appliquer chez l’homme à partir de la nouvelle source de cellules souches dites induites iPS provenant d’un patient donneur.

Dans les travaux présentés par Young et al. [1], les auteurs démontrent et illustrent dans plusieurs schémas récapitulatifs la possibilité d’utiliser une unique paire de répétitions palindromiques courtes régulièrement espacées de nucléotides en l’associant à l’endonucléase Cas9 (CRISPR/Cas9) pour corriger le cadre de lecture dans la majorité des cas de pathologie DMD.

Une telle stratégie est applicable chez environ 60 % de la population des patients atteints de dystrophinopathie. Ce sera donc une stratégie personnalisée puisqu’elle va tenir compte du type de mutation/ délétion que possède le gène DMD du patient considéré. Selon le type de délétion/mutation présent au sein du muscle du patient DMD, il est possible, avec le protocole suggéré par Young et al. [1], de supprimer en une seule étape une zone comprise entre les exons 45 et 55. La méthode va permettre d’obtenir une dystrophine dont une portion interne est absente et de réaliser une élimination personnalisée, par exemple de l’exon 46 à 51, ou au maximum une lecture directe sautant de l’exon 44 vers l’exon 56, comme cela a été observé avec la détection d’une mini-dystrophine tronquée d’origine naturelle chez un patient qui ne présentait qu’un profil bénin d’une dystrophie musculaire de Becker (BMD).

En outre, dans ce travail [1], les auteurs observent une restauration d’une dystrophine tronquée associée avec le bêta-dystroglycane in vivo après une greffe de cellules musculaires dérivées de cellules hiPSC appliquée chez le modèle murin de la DMD. Un schéma général récapitulatif des diverses étapes mentionnées plus haut est proposé par les auteurs. Il suggère qu’une application à l’homme pourraitêtre prometteuse car elle conduira à une amélioration de la qualité de vie du patient DMD vers le statut moins sévère de patient BMD. Ajoutons qu’une telle stratégie si elle est applicable dans le cadre de la DMD elle peut s’appliquer efficacement dans le cas de la FSHD [7].

Liens d’intérêt

L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

Références

  1. Young CS, Hicks MR, Ermolova NV, et al. A single CRISPR-Cas9 deletion strategy that targets the majority of DMD patients restores dystrophin function in hiPSC-derived muscle cells. Cell Stem Cell 2016 Feb 10. pii: S1934-5909(16)00022-9.

  2. Schouten JP, McElgunn CJ, Waaijer R, et al. Relative quantification of 40 nucleic acid sequences by multiplex ligation-dependent probe amplification. Nucleic Acids Res 2002 ; 30 : e57.

  3. Verma PK, Dalal A, Mittal B, Phadke SR. Utility of MLPA in mutation analysis and carrier detection for Duchenne muscular dystrophy. Indian J Hum Genet 2012 ;18 : 91-4.

  4. Okubo M, Minami N, Goto K, et al. Genetic diagnosis of Duchenne/Becker muscular dystrophy using next-generation sequencing: validation analysis of DMD mutations. J Hum Genet 2016 Feb 25. doi: 10.1038/jhg.2016.7.

  5. Takahashi K, Tanabe K, Ohnuki M, et al. Induction of pluripotent stem cells from adult human fibroblasts by defined factors. Cell 2007 ; 131 : 861-72.

  6. Li HL, Gee P, Ishida K, Hotta A. Efficient genomic correction methods in human iPS cells using CRISPR-Cas9 system. Methods 2015 Oct 23. pii : S1046-2023(15)30133-X.

  7. Himeda CL, Jones TI, Jones PL. Scalpel or straitjacket : CRISPR/Cas9 approaches for muscular dystrophies. Trends Pharmacol Sci 2016 Feb 22. pii: S0165-6147(16)00025-0.


© D. Mornet, publié par EDP Sciences, 2016

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