Numéro |
Cah. Myol.
Numéro 15, Juin 2017
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Page(s) | 39 - 40 | |
Section | Lu pour vous / Literature review | |
DOI | https://doi.org/10.1051/myolog/201715039 | |
Publié en ligne | 23 juin 2017 |
Préclinique
Preclinical studies
L’inhibition d’expression de DUX4 comme stratégie thérapeutique dans la dystrophie musculaire facio-scapulo-humérale
Jean-Thomas Vilquin Résumé
Centre de Recherche en Myologie, Sorbonne Universités, UPMC-Inserm UMRS 974, Institutde Myologie, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris, France. Contact jt.vilquin@institut-myologie.org
Résumé
L’utilisation d’oligonucléotides antisens dirigés contre la séquence de polyadénylation de DUX4 permet d’inhiber son expression et de réduire l’impact sur les cibles moléculaires de la protéine DUX4, in vitro et in vivo.
La dystrophie musculaire facio-scapulo-humérale (DMFSH) est une maladie génétique rare, autoso- mique dominante, caractérisée par l’atteinte sélective de certains groupes musculaires, et pour laquelle il n’existe pas actuellement de solution thérapeutique. Deux formes de la maladie, DMFSH1 et DMFSH2, sont cliniquement superposables mais se distinguent par leur défaut génétique. En position subtélomérique du chromosome 4q35 sont situées des séquences répétées D4Z4, contenant chacune un gène DUX4. La réduction du nombre de répétitions en-dessous de 11 dans la DMFSH1, ou des mutations du gène SMCHD1 entraînant une relaxation de la chromatine dans cette région dans la DMFSH2, entraînent le démasquage du site de polyadénylation du DUX4 terminal et sa production aberrante. La protéine DUX4, en agissant sur de nombreuses cibles moléculaires, est toxique pour les cellules musculaires qu’elle détruit. DUX4 est donc une cible de choix pour les différentes approches thérapeutiques de la DMFSH.
Dans cette étude [1], l’analyse RNASeq de cellules de patients et de contrôles familiaux a permis l’identification de cibles transcriptionnelles directes et indirectes de DUX4, servant ultérieurement de biomarqueurs de l’activité de DUX4, car la mesure directe des mRNA de DUX4 et de la protéine est plus délicate et aléatoire du fait de la présence de nombreux homologues. Plusieurs oligonucléotides antisens basés sur la chimie des phosphorodiamidates de morpholinos (PMOs) ont été testés pour leur efficacité d’inhibition in vitro, en cultures de myotubes. Les meilleurs résultats ont été obtenus à l’aide du PMO FM10 ciblant la séquence de polyadénylation de DUX4. L’expression des cibles ZSCAN4, TRIM43, MBD3L2 a été diminuée, sans affecter l’expression du marqueur de différenciation musculaire MHC1. En parallèle, le nombre de cellules présentant une expression nucléaire de DUX4 a été fortement diminué. L’effet est dose-dépendant mais le PMO ne présente pas de toxicité cellulaire et aucun ciblage aberrant n’a été détecté. Finalement, une normalisation de l’expression des gènes dérégulés a été obtenue par le traitement au PMO FM10. Pour évaluer l’efficacité de l’approche in vivo, les auteurs ont utilisé un modèle de xénogreffe de muscle de patient chez une souris immunodéficiente. Les PMOs ont été administrés par électroporation dans ces fragments musculaires reconstitués, et ce traitement a réduit l’expression de DUX4 et des gènes cibles transcriptionnels.
Discussion
Les pathologies autosomiques dominantes ne sont pas facilement accessibles aux approches traditionnelles de thérapie génique (complémentation de gène) ou de thérapie cellulaire. L’expression de la mutation se traduit souvent par un gain de fonction toxique, phénomène qu’il est primordial de diminuer ou d’éteindre. L’utilisation d’oligonucléotides visant des transcrits est donc prometteuse, du fait de la spécificité du ciblage, et de la versatilité actuelle d’utilisation de ces molécules.
L’étiologie de la DMFSH a longtemps été mystérieuse, mais la confirmation récente de l’implication de DUX4 le désigne donc comme une cible de choix. Une équipe a décrit une approche très semblable à celle-ci in vitro, aboutissant au choix de séquences similaires [2], et une autre encore a démontré in vitro des bénéfices partiels liés à l’utilisation de certains oligonucléotides [3]. Ces résultats soulignent la pertinence de cette stratégie.
Ici, les auteurs ont également proposé une première validation de la stratégie in vivo, en utilisant un modèle original et élégant de xénogreffe. La pertinence des modèles murins de la DMFSH obtenus par modification génétique est en effet discutable, le système d’expression de DUX4 étant artificiel chez la Souris. Celle-ci ne reproduit la physiopathologie et la présentation clinique de la maladie qu’imparfaitement. Le transfert d’une petite biopsie musculaire d’un patient dans une souris immunodéficiente permet par contre de former localement, en quelques semaines à quelques mois, une structure musculaire humaine régénérée, vascularisée, reflétant la pathologie originelle, présentant des propriétés mécaniques et électrophysiologiques suffisantes pour explorer des mécanismes physiopathologiques ou tester des solutions thérapeutiques. Pour obtenir un effet localisé et optimal, l’administration des PMOs a été facilitée par l’électroporation du muscle. Naturellement la toxicité éventuelle de l’approche devra être éprouvée au niveau des organismes entiers. Cependant, l’élargissement de l’utilisation des olignucléotides antisens à de multiples indications thérapeutiques, et les connaissances acquises dans d’autres situations (on peut songer aux développements récents des oligonucléotides antisens pour le saut d’exon dans la dystrophie musculaire de Duchenne) permettent d’espérer une accélération des avancées thérapeutiques, par une fertilisation croisée de ces expériences.
Targeting DUX4 expression as a therapeutic strategy for Facioscapulohumeral muscular dystrophy
Liens d’intérêt
L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.
Références
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Chen JC, King OD, Zhang Y, et al. Morpholino-mediated knockdown of DUX4 toward facioscapulohumeral muscular dystrophy therapeutics. Mol Ther 2016; 24 : 1405-11.
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Marsollier AC, Ciszewski L, Mariot V, et al. Antisense targeting of 3’ end elements involved in DUX4 mRNA processing is an efficient therapeutic strategy for facioscapulohumeral dystrophy: a new gene-silencing approach. Hum Mol Genet 2016; 25 : 1468-78.
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Ansseau E, Vanderplanck C, Wauters A, et al. Antisense oligonucleotides used to target the DUX4 mRNA as therapeutic approaches in facio-scapulo-humeral muscular dystrophy (FSHD). Genes (Basel) 2017; 8: pii: E93.
© J. T. Vilquin, publié par EDP Sciences, 2017
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