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Open Access
Editorial
Numéro
Cah. Myol.
Numéro 25, juillet 2022
Page(s) 3 - 3
Section Éditorial / Editorial
DOI https://doi.org/10.1051/myolog/202225001
Publié en ligne 11 août 2022

Concordance des temps ou simple hasard du calendrier, deux manifestations importantes sont ou ont été dédiées aux filles ou femmes transmettrices de myopathie de Becker (BMD) ou de Duchenne (DMD). Le 23 juin dernier, dans le cadre des « Journées Duchenne & Becker à l’âge adulte » organisées par l’AFM-Téléthon à Créteil, un atelier entier y était consacré. Le 7 septembre prochain, la Journée Mondiale Duchenne sera consacrée au même thème à l’échelle de la planète, preuve de l’intérêt suscité par le sujet. Ce n’est pas pour autant l’actualité qui a dicté ces choix; les avancées dans ce sous-domaine des maladies de la dystrophine restent rares et les connaissances parcellaires. On estime pourtant que cette population représenterait entre 5 et 15% de l’ensemble des personnes diagnostiquées DMD ou BMD, transmettrices comprises. En France, les Services Régionaux de l’AFM-Téléthon ont ainsi recensé 90 personnes concernées dont 30 environ avec un phénotype authentiquement Duchenne.

Encore faut-il s’entendre sur la définition du vocable de femme transmettrice symptomatique ? Celles avec une gêne très modeste, des CPK un peu augmentées et/ou avec un déficit musculaire avéré ? Les experts internationaux divergent sur le sujet, d’où des recensements aux résultats très variables d’un pays à l’autre. Il est une situation, en revanche, où le tableau clinique est indiscutable : celui des filles, adolescentes ou femmes présentant un tableau clinique s’apparentant, de très près, à une myopathie de Duchenne. Longtemps nié, ce cadre nosologique existe bel et bien. Les mécanismes biologiques en cause sont variés mais l’inactivation de l’X y joue un rôle prépondérant. Cette inactivation peut se mesurer par des tests complémentaires et peut aller jusqu’à 100% dans les formes les plus graves. Les déterminants de cette inactivation sont encore mal connus comme l’a illustré, pendant l’atelier, un témoignage inédit : dans une famille où trois sœurs triplées étaient nées d’un couple sans antécédents neuromusculaires, deux sœurs, monozygotes, ont été déclarées transmettrices sur la base d’une mutation STOP identifiée dans leur gène DMD. La troisième, issue d’un autre zygote, n’était pas transmettrice. Les deux sœurs transmettrices ont toutefois connu un destin diamétralement opposé. La première reste totalement asymptomatique à l’âge de 30 ans alors que sa sœur présente au même âge un phénotype Duchenne-like. D’autres anomalies chromosomiques, comme l’absence de deuxième X (syndrome de Turner), des disomies parentales ou des réarrangements (translocation ou autre) sont beaucoup plus rarement décrites pour expliquer ces cas exceptionnels.

Quel que soit le phénotype musculaire périphérique, la hantise reste la survenue d’une cardiomyopathie. Le risque et les déterminants de l’apparition de celle-ci restent peu clairs. De plus, il n’existe pas de corrélation, loin s’en faut, entre le niveau de déficit moteur et cette possible atteinte cardiaque. D’où la nécessité d’un suivi cardiologique précoce et régulier (tous les cinq ans au minimum). Les cas où des transmettrices symptomatiques ont eu besoin de transplantation cardiaque ne relèvent pas de l’anecdote. Dans une étude française portant sur trois transmettrices transplantées, l’une d’entre elles l’avait été à l’âge de 32 ans. Cette possible aggravation des symptômes semble être le lot de beaucoup de transmettrices DMD/BMD. Combinée au vieillissement physiologique, elle peut conduire, au-delà de la soixantaine, à de véritables situations de handicap moteur.

Les aspects psychologiques de ces manifestations pathologiques sont également à prendre en compte. Outre les troubles primitifs des apprentissages parfois observés dans les phénotypes DMD ou BMD, il existe très souvent chez les femmes concernées des sentiments d’isolement, d’incompréhension ou de non prise en compte de leurs symptômes, notamment douloureux, par les équipes médicales.

Dans l’immense majorité des cas, les transmettrices DMD ou BMD sont asymptomatiques et le resteront tout au long de leur vie. Beaucoup de questions restent compliquées et/ou en suspens : les filles authentiquement DMD ont-elles la même trajectoire que leurs homologues masculins ? Peuvent-elles bénéficier des thérapies innovantes en cours de développement ou tout simplement participer à des essais cliniques ? Pour celles qui ont des projets de maternité, que peut-on dire du futur de leur fille à venir, à supposer que celle-ci ait reçu l’X transmetteur ? Leur fille développerat-elle une forme aussi grave de DMD qu’elle ? Les discussions et témoignages ont bien mis en évidence la nécessité d’approfondir le sujet.


© J.A. Urtizberea, publié par EDP Sciences, 2022

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